8 Août 2022
8 août 2002 - 8 août 2022
20 ans ! Cela fait déjà vingt ans que j’ai basculé dans le monde des Handicaps Invisibles...
Cette date, je n’ai jamais pu l’oublier ...
Flash back
Noël 2001 –
Mon père adoré, malgré certains défauts, qui ont des conséquences sur mon mode de fonctionnement aujourd’hui, décède brutalement d’un AVC. (Je suis très lucide sur nos défauts et qualités, dans notre famille).
Décembre 2001 –
Celui qui est encore mon mari, père de ma fille, et toute sa famille (mère, frères, demi-frères) sont réunis, en bout de table, face à moi, pour un simulacre de « procès ».
Parmi toutes les gentillesses que j’entends, on me dit que c’est bien fait pour mon père, qu’il brûle en enfer, le tout, devant ma fille de dix ans, qui adorait son grand-père !
Le plus virulent gère aujourd’hui une entreprise de Pompes Funèbres à Céret ... Il aura finit par faire son « coming-out » après le décès de la reine mère, un mariage et deux enfants... Peut-être que ça explique pourquoi il a eu besoin de me pourrir la vie, puis celle de ma fille, durant près de 12 ans... Quand on n’est pas bien dans sa tête, on fait chier les autres ...
Avant le 31 décembre 2001 –
J’annonce, un dimanche soir à mon mari, que je vais demander le divorce. Sa réaction ? C’est la faute de mon père, parce qu’il est mort, etc... Etc...
Pas une seconde, il ne remet en cause son attitude et celle de sa famille.
Des monstres, des pervers narcissiques qui m’ont fait découvrir la véritable violence, avec toutes sortes d’armes, y compris, et surtout, la maltraitance psychologique !
Le monde des Bisounours ?
Ça fait longtemps que je n’y ai plus mis les pieds. Depuis que je suis entrée dans cette famille de tortionnaires...
2002 – Après avoir progressivement organisé mon départ (Monsieur garde tout, car il estime que rien ne m’appartient), après avoir entendu que si je n’étais pas partie rapidement, je me prendrais des « cartons dans la gueule », le jour J arrive enfin.
En secret, ma fille avec moi, nous fuyons avec les seules choses que je possédais lors de notre rencontre, et les affaires de ma fille.
Je coupe mon portable pour être tranquille.
Le lendemain, je vais découvrir des menaces de mort, proférées à mon encontre, prononcées par mon ex-belle-mère. Dans le lot, on me demande aussi de rendre le lit de ma fille ...
Eté 2002 –
Je mets tout en place pour respecter la parole donnée à mon père, concernant sa petite fille, avant son décès.
Un pizzaïolo m’apprend le métier. J’attends en même temps, que l’on m’octroie un logement hlm pour ma fille et moi. Je suis hébergée dans ma famille proche.
J’ai quelques douleurs depuis quelques temps.
Mon médecin songe à une énième lombalgie.
Il faut dire que je lui ai raconté les « travaux » que j’étais obligée d’exécuter durant mon mariage.
J’ai tellement fait de lombalgie, que ça en rempli des pages et des pages dans mon carnet médical.
Août 2002 –
Je revois mon médecin.
La douleur est de plus en plus violente. Il me prescrit divers médicaments censés me soulager. A côté de ça, je suis ravie. J’ai enfin un logement, un F2 pour ma fille et moi.
Elle dormira dans sa chambre, et moi, dans le salon, sur le canapé.
8 Août 2002
Ma fille est censée être chez son père (en fait, il la largue souvent chez sa propre mère, pour ne pas avoir à s’occuper de cet enfant qu’il n’aime pas, et qui me ressemble beaucoup trop à son goût ...)
J’ouvre les yeux, je tente de descendre du lit.
Ma jambe ne répond pas. Elle ne répond plus.
Mentalement, j’ordonne à ma jambe de bouger.
Je la supplie même.
Rien n’y fait.
Les douleurs sont à un point de non retour.
Je ne comprends pas ce qu’il m’arrive.
Pourquoi cette fichue jambe ne veut pas faire ce que je lui demande ?
Hier pourtant, elle fonctionnait encore !
Alors je bascule, afin de pouvoir poser mes deux pieds au sol, malgré tout.
Je ne sens pas le carrelage...
La rage me prend aux tripes.
Il me faut un médecin.
Par chance, celui de ma famille est en face.
J’ai juste deux étages et une rue à traverser.
Je me débrouille comme je peux.
Le médecin me reçoit et m’ausculte de la tête aux pieds.
Il procède à divers examens, et m’annonce qu’il y a une bonne nouvelle : mes battements cardiaques sont excellents. Puis, il me demande si je n’ai pas vécu un grave traumatisme récemment.
Je lui raconte tout.
— Vous en avez plein le dos, me dit-il !
Il pose son diagnostic, et me suggère une radio pour confirmer, dans un premier temps.
Il m’informe en même temps que je vais devoir faire une croix sur de nombreuses choses : porter un enfant, avoir un chien, porter du poids, rester debout, etc... Etc...
J’ai droit à des piqures de morphine, directement dans la colonne vertébrale, pour essayer de diminuer la douleur qui est atroce. Je ne suis bien dans aucune position. Un enfer !
Des comprimés de morphine me sont aussi prescrits. C’est à peine si ça me soulage.
Je suis à l’aube d’une nouvelle vie, avec ma fille, et on me dit que tout est terminé...
J’ai 31 ans, des rêves plein la tête, et je ne peux plus rien faire...
Je suis en colère, furieuse !
Pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ?
Qu’est-ce que j’ai fais pour mériter ça ?
N’en ai-je pas suffisamment bavé dans la vie ?
Je passe la radio qui, bien sûr, n’apportera pas toutes les réponses. Il faut un IRM, un scanner, etc.. J’obéis. Je fais tous les examens possibles et imaginables.
Le diagnostic est confirmé. J'ai de nombreuses terminaisons nerveuses qui ont été sectionnées... Ceci explique cela.
Ma mère en parle avec le pharmacien qui a toujours été là pour moi, durant mon enfance et adolescence.
Il lui donne le nom du meilleur neurochirurgien du département, et précise que si il y a quelque chose à faire, lui seul sera à même d’y parvenir.
Je prends rendez-vous. Ce coup ci, c’est mon ex mari qui m’y conduit.
Pour une fois, il se sent coupable. Tu m’étonnes !
Le neuro me reçoit, consulte tous les clichés, les comptes-rendus, m’examine, en long, en large et en travers.
Son verdict me cloue sur place : inopérable ! Si on la tente quand même, j’ai plus de 90 % de chance de ressortir en fauteuil roulant.
— Ecoutez, vous êtes jeune encore. Restez comme ça tant que vous pouvez. C’est mieux ! Me dit-il.
J’avais déjà tout prévu en cas d’opération et de rééducation. Organisée comme je suis (défaut professionnel), je n’avais rien laissé au hasard.
Je rentre, non pas dans mon logement, dont j’ai pourtant les clefs et où nous n’habitons pas encore. Trop de difficultés pour tout au quotidien. Le peu que je possède y est déjà.
Je revois le médecin, qui m’oriente vers une kiné. La seule qui pourra m’aider à récupérer une partie de ma jambe.
Personne ne m’y conduit.
Je dois faire le chemin à pied, régulièrement, plusieurs fois par semaine, et c’est un calvaire.
Je ne sens pas le sol sous mon pied ; Je bute à chaque pas, enfin, plutôt, en trainant ce membre qui ne fonctionne pas.
Je ne peux plus monter sur les trottoirs. Trop compliqué. Il faut que je soulève manuellement ma jambe.
Ma kiné m’avouera plus tard, bien plus tard, que la première fois où elle m’a vu, elle ne donnait pas cher de ma peau.
C’était sans compter ma rage. Cette rage qui m’habitait et m’habite toujours, pour ma fille.
Je ne pouvais pas baisser les bras. Je n’en avais pas et n’en ai pas le droit, pour elle ...
J’ai passé de nombreuses heures sur la table de ma kiné.
J’ai passé de nombreuses heures, dans un fauteuil, le cerveau turbinant à mille milliards de milliards.
J’ai appris à broder, seule, en autodidacte, comme souvent.
Et puis, un jour, j’ai senti qu’il était temps pour ma fille et moi, de vivre dans notre chez nous.
Les séances de kiné ont continué ; les douleurs aussi.
J'ai eu envie d'en finir. J'ai voulu en finir ...
Les soirs, les jours de solitude, une seule chose me tenait compagnie. Je me suis raccrochée à eux, comme un coquillage s'accroche au rocher. Seule, je n'ai tenu le coup que grâce à ces personnes qui ne savaient même pas que j'existais. Ils m'ont donné la force, l'envie de continuer à vivre... (Aujourd'hui, quelques uns sont au courant ...)
Il m’arrivait de m’écrouler, tandis que je faisais la vaisselle, parce qu’entre la douleur et l’absence de soutien de ma jambe, je ne tenais plus debout. Tout simplement.
Ma kiné faisait le nécessaire d’un côté pour que je récupère un maximum de mobilité. Malheureusement, mes nuits sur mon canapé fichait tout son travail en l’air.
Mon nouveau médecin a fait un courrier, ma kiné aussi, afin que l’on m’octroie un logement dans lequel j’aurais enfin une chambre et un vrai lit.
J’en ai eu un, au dernier étage, sans ascenseur, quelques mois plus tard...
J’ai eu de nombreux traitements, divers et variés, parce que je n’avais plus de morphine.
J’ai eu le droit à la médecine du sport, qui m’a prescrit du magnésium... J’en ris encore !
J’ai dû apprendre à vivre avec la douleur, quotidienne ...
Un autre nouveau médecin m’a mise sous Tramadol, et enfin, le soir, je prenais mon précieux comprimé qui me soulageait un tout petit peu.
Il est arrivé que ne pouvant pas marcher, à cause de la douleur, je ne sois pas en mesure de sortir de chez moi durant près d’une semaine.
La dernière fois ? Ça remonte à il y a environ 4/5 ans.
N’ayant ni aide ni soutien, nous avons appris à nous débrouiller, seules, toutes les deux, même lorsqu’il fallait porter du poids, ce qui, pourtant, m’est interdit.
Aujourd’hui ...
Je sais, par mon médecin, que j’ai définitivement perdu les zones, dont les terminaisons nerveuses ont été sectionnées.
Il se peut que la paralysie débarque à gauche. C’est juste qu’on ne sait pas quand ...
Je vis au dernier étage d’un hlm depuis 18 ans, sans que ça ne pose de problèmes à quiconque (sauf à moi, bien sûr).
Je ne suis pas assez handicapée pour avoir l’allocation adulte handicapée.
J’ai enfin eu le droit à la carte « priorité handicapé » et « stationnement handicapé », mais pour les avoir, il aura fallu plus de 15 ans.
Comme je relève du monde du travail normal, le Pôle Emploi m’oriente souvent vers des emplois que je ne peux effectuer (ex : vendeuse dans une boulangerie, employée de ménage, garde d’enfants, etc... ).
Lorsque je rappelle ma situation « physique », on me répond que l’employeur est obligé d’adapter mon poste de travail !
Vous en connaissez beaucoup, vous, des employeurs qui vont adapter un poste de femme de ménage, pour une personne handi qui se fait déjà aider au quotidien ?
J’ai donc un handicap invisible, pour lequel mon staff médical à clairement indiqué que je ne devais exercer que mon métier (secrétaire ou à défaut un emploi qui me permet de me lever et de m'asseoir quand j'en éprouve le besoin).
J’ai le droit aux regards, jugement, messes basses, et la désignation lorsque je stationne sur une place réservée aux handi’.
La canne ?
Je l’ai, chez moi, et ne la sort qu’en de grandes occasions (les déferlantes, par exemple), ou que je ne peux faire autrement...
Je déteste la prendre. Ça montre ma faiblesse, et je déteste montrer mes faiblesses.
Vingt ans...
Vingt ans déjà que j’ai appris à compenser mon handicap, au quotidien.
Vingt ans de divers médicaments qui m’ont fait prendre du poids, d’antidouleurs qui ne m’ont jamais vraiment soulagée, qui m’ont quelque peu « bousillé » mon système digestif.
Aujourd’hui, grâce à ma pharmacienne, je re-vie avec des antidouleurs aux plantes.
Vingt longues années durant lesquelles, je n’ai cessé d’entendre des gens, me dire lorsque je marche difficilement « Qu’est-ce qu’il t’arrive ? Tu t’es blessée ? »
Ben non ! C’est juste qu’à ce moment là, vous ouvrez les yeux, parce que mon handicap devient visible !
Vingt longues années durant lesquelles ma fille a grandi avec une mère handi’, dont l’humeur est fluctuante en fonction de l’intensité de la douleur.
Vingt ans durant lesquels, lors des « pics », mes lombaires et mon sacrum se transforment en radiateur brûlant (imaginer donc avec la canicule, ce que ça peut donner !)
Durant seize ans, bien qu’absents lors de mes entretiens médicaux, ma « famille proche » n’a jamais rien voulu entendre sur le verdict du neurochirurgien.
Bien au contraire même ! Le sujet, mis régulièrement sur le tapis, et pas de mon fait, était de recommencer une série d’examens parce qu’ils voulaient que je me fasse opérer ...
Et puis ce jour, où j’ai entendu que tout ça était faux, que ça ne m’était jamais arrivé...
J’aurais donc rêvé ma paralysie, les douleurs, les examens médicaux, la morphine, les séances de kiné, les médicaments, etc... etc...
Heureusement que j’ai mon dossier médical, car à un moment donné, je me suis même demandée s’ils n’avaient pas raison...
Ça fait vingt ans, et personne ne sait mieux que moi, ce que j’endure au quotidien.
Personne n’a le droit de remettre en cause mon enfer personnel ni d’en douter,
Je ne le permets plus !
J’ai un Handicap Invisible.
Ça ne fait pas de moi une meilleure personne,
mais ça me permet d’être moins bête que certains quand au handicap,
et surtout ça me permet de savoir ce qui convient ou non aux pmr ...
A bon entendeur !!!
ps : n'oubliez jamais une chose : la Vie peut basculer en une fraction de seconde.
Nul n'est à l'abri de rien